mercredi 20 juillet 2011

Nourritures terrestres et spirituelles de Wallis

"La connaissance de l'union mentale avec toute la Nature.
C'est donc la fin à laquelle je tends, à savoir acquérir une telle
 nature et faire effort pour que beaucoup l'acquièrent avec moi"
Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement


Lors des sorties pirogue à l'île Nukuteatea, j'ai pu observer attentivement la manière de cuisiner typiquement wallisienne. La cuisson des mets traditionnels reste profondément naturelle, la quasi totalité des ingrédients étant issue de la terre de Wallis. L'environnement est sollicité en permanence pour composer les ingrédients des repas dans une sorte de symbiose entre le végétal, l'animal et le minéral.
Préparation des repas : tressage des feuilles de cocotiers

Les palmes des cocotiers sont utilisées pour confectionner des plats, des paniers ou des nappes. La nervure centrale de la palme est découpée selon la taille souhaitée. Chacune des folioles qui compose la feuille est croisée soigneusement avec la précédente puis, selon le principe de la maille à l'endroit et à l'envers, est tressée avec les autres. A la fin, les extrémités des folioles sont nouées entre elles.


Tressage des feuilles de cocotier


Nappes de cocotiers

"Les Foi Magisi"

Ce terme est un nom générique en wallisien qui désigne les produits vivriers qui sont consommés sur l'ile, riches en fibres alimentaires. Le fruit de l'arbre à pain fait partie de cette catégorie. L'arbre à pain est un arbre des zones tropicales chaudes et humides, caractéristique de l'Océanie. Le fruit à pain à maturité est de couleur verdâtre, il est dénommé "foi mei" en wallisien. Pelé soigneusement avant consommation, il peut être préparé de plusieurs manières possibles : cuit à l'eau bouillante, dans de l'huile pour être mangé sous forme de frites ou à l'étouffée dans le four traditionnel wallisien. La texture est ferme en bouche et le goût évoque celui du pain et de la pomme de terre.


Fruits à pain


Préparation des fruits à pain en frites

Le manioc (foi manioka en wallisien) et l'igname (foi ufi) sont des plantes très présentes dans la culture alimentaire locale.
Le taro (foi talo) est un tubercule de forme souvent ovoïde . Sa chair est d'un blanc nacré. Une autre variété de taro est consommée sous le nom de kape.


Racines de taro

Fruits de Wallis

Parmi les fruits les plus consommés, on trouve la papaye, l'ananas et la banane. La papaye (foi leosi) à maturité est vert jaunâtre. Sa chair juteuse est savoureuse, en particulier lorsqu'elle est relevée d'un filet de citron.


Panier de papayes

Il existe une grande variété de bananes, les variétés typiquement wallisiennes sont de taille réduite. Chacune des variétés porte un nom : la petite banane (foi sotuma), la banane à cuire (foi pukaka), la banane à dessert (foi siaina) et la grande banane (foi hopa).
La variété d'ananas consommée à Wallis (foi napolo) est petite et très sucrée. Autre fruit consommé sur l'ile : la mangue (foi mago).

L'importance de la noix de coco dans la cuisine

Une place spéciale doit être consacrée au fruit le plus consommé de l'île, à savoir la noix de coco. Celle-ci est particulièrement appréciée une fois transformée en lait de coco, qui sert de base aux différentes préparations et accompagne de nombreux plats. Il ne faut pas confondre l'eau de coco, eau douce sucrée produite naturellement à l'intérieur de la noix, avec le lait. Celui-ci est extrait de la pulpe râpée du fruit. Insérée dans les fibres de la noix qui sont tordues puissamment, cette pulpe rend un lait savoureux recueilli par des mains expertes dans un très grand plat.


Extraction du jus à partir de la pulpe

Ce lait sert de base à un excellent dessert que j'ai découvert sur l'ile, le loifusi. Il est mélangé à des bananes et à de la farine de manioc. La texture ainsi obtenue est enrubannée dans une feuille de bananier, puis recouverte d'une feuille de l'arbre à pain. Le tout est lié par des fibres tirées de la nervure centrale du cocotier, puis ce paquet est mis à cuire dans le four traditionnel wallisien. Le loifusi lors des sorties pirogue est servi en entrée avec un apéritif.


Préparation du loifusi : mélange de banane et de jus de coco



Le loifusi : à déguster chaud

Les vermicelles chinois : préparation du bami

Le bami est une spécialité indonésienne désormais très répandue dans les îles de l'Océanie, très appréciée sur l'île de Wallis. Il s'agit de pâtes chinoises sous forme de vermicelles transparents qui, assaisonnées de sauce soja, sont mélangées à des légumes et à des lambeaux de poulet. Le goût des vermicelles est à mon sens un peu fade, mais le plat peut se révéler excellent s'il est associé à des légumes savoureux et à une viande tendre.


Plat de bami

L'animal symbole de l'île : le cochon

La grande majorité des Wallisiens ont un élevage de cochons, cet animal joue un très grand rôle dans la culture populaire. La cérémonie des cochons, appelée "Katoaga", que j'évoquerai dans le blog, est une coutume centrale lors des fêtes traditionnelles.

Âmes sensibles, abstenez-vous dans le passage suivant. L'animal est préparé de la façon suivante : il est dépecé, vidé, et incisé au niveau du ventre. On y introduit des feuilles de bananiers, puis des pierres brûlantes issues du four traditionnel à l'aide d'un tison. L'animal exhale alors de grandes fumées blanchâtres, il est pris par les pattes et vivement secoué. Une fois ces opérations terminées, il est disposé dans le four. 


Pierre brûlante dans les entrailles du porc

La cuisson traditionnelle wallisienne, le "umu" : union du minéral, du végétal et de l'animal

La cuisson au four traditionnel, dit "umu" en wallisien, est une tradition largement répandue dans les îles d'Océanie du Pacifique. Un trou est creusé dans la terre, puis un grand feu est amorcé avec du bois et de la fibre de coco qui brûle extrêmement bien. On ajoute dans ce feu des pierres de lave qui ont pour fonction de capter la chaleur. Ce sont ces pierres qui sont introduites dans le ventre du cochon. Lorsque le bois s'est consumé, que le feu s'est apaisé et que ne restent que les braises, on dispose sur les pierres des tiges découpées à partir des feuilles de cocotiers, ce qui permet de tapisser le four de manière régulière. Sur ce tapis de tiges sont déposés tous les ingrédients qui vont être cuits au four : les fruits à pain découpés en deux, les taros, kapés, ignames, les papilottes de loifusi, de riz, de poisson enrubannés dans les feuilles de bananiers et d'arbre à pain, et une place de choix est réservée au cochon.


Disposition des mets dans le "umu"

Ces mets sont ensuite recouverts de feuilles de bananier, puis ensevelis sous des mottes de terre. Le four devient un petit monticule d'où s'échappent parfois des petites fumées blanches. Il s'agit en somme d'une cuisson à l'étouffée, sous le sable, des  aliments à partir de la chaleur retenue dans les pierres. Au bout de deux heures environ, le sable ainsi que les feuilles de bananier sont enlevés, et les aliments sont prêts à être savourés. Le four donne un léger goût de fumé aux aliments.

Les produits de la mer : poissons et poulpe

Le lagon regorge de poissons et c'est, bien entendu, une nourriture  de base sur l'île. La pêche reste de type essentiellement artisanal, les pêcheurs pratiquent cette activité à la ligne, au filet ou au fusil sous-marin. La totalité de la production est auto-consommée. Il existe une grande variété de poissons, il m'est impossible de les énumérer tous : la carangue (lupo), le barracuda (saosao), la loche (ulutuki), le perroquet (homo). La chair la plus tendre et la plus appréciée est celle du poisson-perroquet... La chair la plus tendre et la plus appréciée est celle du poisson-perroquet ;-) Son goût doit sans doute se répéter, se répercuter dans toutes les parties du palais, de l'estomac ... Plusieurs façons de manger le poisson, soit très simplement cru avec un filet de citron, soit bouilli, soit grillé,  soit cuisiné au lait de coco.
Autre habitant du lagon très apprécié des papilles wallisiennes, le poulpe aux huit tentacules. Je savais déjà que cet animal était capable de prédire parfaitement les résultats de la coupe du monde, mais en faisant des recherches sur Internet, j'ai appris que c'était le plus intelligent des invertébrés, qu'il était capable d'utiliser des outils pour s'en servir de carapace, qu'il possède une grande mémoire stockée dans des neurones dont une grande partie se trouve au niveau des tentacules. Pour le cuisiner, il faut tout d'abord découper la bouche et les parties dans lesquelles est stockée l'encre, qu'il projette lorsqu'il se sent en danger. Il est nécessaire de le faire bouillir de longues heures, le premier bouillon doit impérativement être jeté car il est impropre à la consommation.


Préparation finale du poulpe

Le poulpe est découpé en fines tranches, puis il est cuit une dernière fois au lait de coco. J'ai beaucoup apprécié sa chair, très légèrement élastique, ferme et savoureuse.

Résurrection du poulpe

Après ces festins de chair végétale et animale, je m'endors. Je m'éveille vers  minuit, dans la chaleur moite de Wallis. Subitement, j'entrevois ma peau qui se lacère en de multiples endroits d'où jaillissent des centaines, des milliers de tentacules luminescentes qui dansent, avec légèreté, ardeur et grâce. L'écran allumé, phosphorescent de l'ordinateur capte, engloutit en son sein ces tentacules, je les vois s'éloigner inexorablement. Ils s'enfouissent sous la terre, la sillonnent, hésitent puis s'élancent dans l'immense espace de l'internet. Parfois ils empruntent les chemins de l'air, rebondissent vers les serveurs parcourus de courants électromagnétiques. Parfois ils parcourent les chemins sous-marins, et plus vite que le dauphin, plus rapides que le requin franchissent les continents. Comme une immense vibration traversant le monde, ils s'unissent à la matière pour s'extraire à nouveau de la terre. Tout à coup, ils éclatent sur votre écran, s'étalent sous la forme de lettres, de mots, de phrases. Ils frappent la rétine de vos yeux, naviguent le long du nerf optique puis se fondent enfin dans votre esprit.

A travers l'immense édifice du temps, entre le moment où je compose ces lignes, dans mon présent, et le moment où vous les lisez, dans le futur de mon présent, nous sommes en étroite symbiose, dans une union inextricable. A cette seconde précise, vos yeux sont exactement là et c-h-a-c-u-n de mes mots se détache, s'imprime en vous. Je suis désormais en vous, dans vos pensées, nous sommes indissolublement liés. Lien parfois fugitif, si vous êtes venu(e) au hasard d'internet, et que vous ne souhaitez pas vous attarder, lien plus fort si vous souhaitez approfondir votre connaissance de mon esprit, lire ou relire des articles. Mes tentacules respectent votre volonté souveraine. Quelques brèves palpitations du cœur ponctuent votre lecture, comme elles m'ont accompagné tout au long de le rédaction de ce texte. Immanence du temps, immanence de l'esprit, immanence du cœur ...
Je m'éveille, il est midi, mes tentacules ont disparu. Seul le rêve persiste en moi, et peut-être en vous.

2 commentaires:

  1. Salut Erhan, je vois que nos pensées se sont croisées si j'en juge aux deux derniers paragraphes très sympas que tu as écrits, en prose!et moi en vers sur le lien suivant: http://www.myspace.com/bleudasi/blog/543645216
    bien à toi

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  2. très belles images avec la bonne nourritures de mon île WALLIS.

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