lundi 23 avril 2012

La Nouvelle Zélande sous le signe du volcan (3)

Jogging, Kiwi, Geysers et Concerto de mouettes

Mardi matin, j'avais pris la décision de courir. Je me suis réveillé plus tôt, je suis allé en direction d'une forêt à la lisière de Rotorua « Redwoods ». J'ai couru le long de vastes routes vers ma destination à une allure modérée. Arrivé devant la lisière, j'ai marqué un temps d'arrêt, j'ai pénétré par un sentier étroit mais je n'osais pas m'aventurer trop loin, de peur de m'y perdre. Compte tenu de mon sens de l'orientation, je suis capable de commencer ma course en Nouvelle-Zélande et de me retrouver à la fin de celle-ci sur le GR 20 en Corse ;-) J' entrais dans les bois par un chemin de traverse, je trouvais rapidement un chemin parallèle à la grande route par laquelle j'étais venu, j'en sortais pour entrer à nouveau. Souvenir d'une futaie de très hauts arbres, ici les fougères verdoyantes rivalisent de hauteur, dépassant largement leur taille traditionnelle, j'avais un sentiment d'écrasement sous le dôme verdoyant immense, vertigineux qui se déployait au dessus de moi. Sur le chemin retour, je tentais quelques accélérations mais je sentais que je n'étais pas réellement en forme, je manquais de souffle.

Pendant que Katrine et Martine vaquaient à d'autres occupations, je suis allé visiter un dernier parc, le « Te Puia » situé au sud de Rotorua. Au delà des fumerolles, des mares de boue, des cratères auxquels j'étais désormais habitué, j'ai pu admirer le symbole, avec la feuille de fougère, de la Nouvelle Zélande, à savoir l'oiseau « kiwi » dont le nom est emprunté au terme maori « kivi-kivi ».


Kivi-kivi

Rubrique le saviez-vous

"Le kiwi est-il un oiseau ou un mammifère ?"

Étrange animal que voici, classé dans l'espèce des oiseaux alors qu'il partage un grand nombre de similitudes avec les mammifères. Son plumage ressemble plus à une touffe de poils qu'à des plumes traditionnelles, ses ailes sont inexistantes et relèvent davantage de moignons de bras, ce qui l'empêche de voler. Sa température moyenne de corps de 38 ° est bien plus proche de celle des mammifères que de celle des oiseaux, qui est en règle générale plus élevée. Il a un odorat développé, comme la plupart des mammifères. Pourquoi demeure-t-il un oiseau ? C'est essentiellement lié à son bec extrêmement long qui lui permet de fouiller le sol à la recherche d'insectes, de fruits, de grenouilles, et à son mode de reproduction, puisque la femelle pond des œufs que le mâle couve pendant deux à trois mois. Vous connaissez ces célèbres œufs de consistance verte, vous les avez forcément goûtés au cours de votre vie …

Œufs de kiwi à maturité ;-)

Celui du parc « Te Puia » se trouve dans une maison maorie plongée dans l'obscurité, puisqu'il vit essentiellement la nuit. Il se tenait près d'une large vitre dans un espace naturel recomposé, une lumière violette éclairait la pièce, je l'ai vu enfouir son bec dans la terre, fureter un long moment dans le sol. Il a levé les yeux un bref moment, regardant dans ma direction à travers la glace, mais il ne percevait sans doute pas ma présence.

Je continuais mon chemin, je me dirigeais vers une passerelle en bois tandis qu'à gauche, je distinguais un grand poudroiement blanc, vaporeux qui planait au dessus d'un paysage rocheux. Cette fumée est le signe de l'activité permanente de deux geysers, « Plumes du Prince de Galles » mais surtout celui du « Pohutu », plus grand geyser en activité de la Nouvelle Zélande, qui signifie explosion en maori. Au moment précis où je m'engage sur la pont, le « Pohutu » bien nommé explose, jaillit avec une force redoutable à une vingtaine de mètres, diffusant dans l'air nuageux de la matinée une vapeur encore plus épaisse ainsi que des milliers de gouttelettes, dont certaines retombent inexorablement vers moi pour effleurer ma chair, me rafraîchir.

Explosion du Pohutu

Je suis allé sur un promontoire situé à une petite distance des geysers pour admirer ce phénomène géothermique une deuxième fois. Au moment de l'éruption, le vent a soufflé jusqu'à moi pour déverser sur mon visage une infime humidité vivifiante, vestige du grand tumulte, de l'immense bouillonnement intérieur de la terre volcanique.

Dans l'après-midi, petite visite de Rotorua. Après une longue déambulation dans les rues du centre-ville, je me suis dirigé vers le lac, avec pour intention de prendre en photo les nombreux cygnes noirs qui peuplent les rives. J'avais emporté avec moi deux morceaux de pain pour les attirer. Ils flottaient, ondulaient sur les flots légèrement agités par le vent, le duvet noir de leurs grands flancs se détachant nettement sur la surface de l'eau assombrie par les nuages. Au moment où je distribuais le pain, l'un d'entre eux est sorti de l'eau, se dandinant sur ses palmes, il a déployé ses ailes dans toute leur envergure, j'ai observé que sous le plumage noir et lisse, les plumes cachées situées à l'intérieur des flancs étaient blanches. J'avais encore un morceau de pain, je remarquais que non loin de là reposaient sur l'herbe un nombre impressionnant de mouettes. J'ai marché vers eux ainsi que vers le plus beau souvenir de mon séjour.

Je lançais une bribe de pain qu'une mouette s'empressa d'attraper en plein vol. Comme par enchantement, une nuée de trente, quarante mouettes se dressa devant moi, je me retrouvais médusé face à un mur volant, chanteur qui s'égosillait, psalmodiait, palpitait en réclamant avec énergie la nourriture que j'avais entre les mains. Je voyais distinctement le bout de leurs ailes frétiller à une vitesse incroyable pour rester suspendues à mi-hauteur. Certaines d'entre elles se sont approchées à une distance tellement courte que j'ai pris peur avant de réaliser que je ne risquais rien. Je leur jetais la mie de pain en variant les trajectoires, tir tendu, en cloche, passe courte ou longue, à chaque fois l'une des mouettes l'attrapait avant qu'elle ne touche le sol puis s'en allait plus loin. Voletant à deux mètres pour les plus proches, je percevais dans leurs minuscules yeux noirs l'attente folle de mon don, du jet de l'aliment dans l'espace ; l'appétit féroce pour la nourriture, le désir intense de vie brûlaient leurs prunelles. Je choisissais souvent au hasard, mais lorsqu'il m'arrivait parfois de capter un regard encore plus intense, plus vibrant que les autres, je lançais le pain dans sa direction. Au fur et à mesure, je découpais des morceaux de la miche de plus en plus petits pour faire durer le plaisir.

Notes volantes dans le ciel

Les oiseaux devenaient des notes sur des lignes de musique aériennes, ondulantes, elles s'animaient pour faire résonner un hymne enchanteur à la gloire de la volupté de la faim, je me transformais en musicien soliste face à un orchestre, donnant l'impulsion, l'inflexion décisive à des violonistes célébrant l'ardeur de l'existence ...

Soudain, plus de pain, instantanément les mouettes sont retournées se reposer sur l'herbe, me dévisageant simplement du regard pour voir sans doute si je n'allais pas ressortir une autre miche de mes poches, mais elles étaient vides. Je m'en allais.

Patrick nous a invité le dernier soir au restaurant, repas très sympathique, festif, rempli de fous rires. Nous avons terminé la soirée chez un de ses amis néo calédonien qui habitait comme lui à Rotorua.


Passez la commande de l'amitié, svp

Face au mur

Le lendemain, Katrine et moi sommes partis à Auckland en taxi. Nous avons laissé Martine à Rotorua, qui est encore restée dans cette ville quelques jours de plus. Nous repartions un jour après en Nouvelle Calédonie, et nous voulions également voir le concert de Roger Waters. Le trajet fut plus long qu'à l'aller car le chauffeur récupéra d'autres voyageurs sur le parcours, il se retrouva englué dans le trafic à l'approche de la grande ville et il eut du mal à trouver l'hôtel dans lequel nous allions demeurer une seule nuit.

Terry nous rejoignit en fin d'après-midi, nous nous sommes mis en quête d'un restaurant. Au cours du repas, j'évoquais la scène de la veille avec les oiseaux avec Terry. Cela lui remémora une scène de son enfance, il nous raconta qu'il s'amusait avec son cousin à attacher deux morceaux de nourriture par un fil de pêche très fin, quasi invisible, et à les lancer simultanément à deux mouettes pour les voir attraper chacune une extrémité, tirer à hue et à dia, observer leurs vols complètement désordonnés, leurs mines totalement déconfites ne comprenant pas ce qui se passait … Un sourire malicieux illuminait son visage, une lueur espiègle dansait dans ses yeux de vieil homme à l'évocation de ce souvenir de farce enfantine.

Le soir, Katrine et moi sommes allés au concert de Roger Waters, membre fondateur du groupe Pink Floyd, principal compositeur-interprète du groupe mythique. Le concert était ancré sur la reprise du succès phénoménal de l'album « The Wall » de 1979.

Juste avant le concert

L'idée d'assister à ce concert était venue de Katrine, excellente idée car le spectacle fut magnifique, d'une grande qualité visuelle et sonore. Je n'ai jamais vu une scénographie aussi imposante. Au début, un avion accroché au plafond de la salle vient s'écraser dans un grand fracas sur la scène, le reste fut tout aussi spectaculaire. Lentement, pendant la première partie, les techniciens édifient un mur, brique par brique, derrière lequel les musiciens disparaissent. D'immenses marionnettes gonflables, représentant les personnages du film « The Wall » se déploient lentement, s'animent grâce à une technique d'une infime précision, puis se replient et disparaissent. S'élèvent les notes de deux chansons marquantes de l'album, « Another Brick in the Wall » chantée par Roger Waters avec un choeur d'enfants qui vient défier la marionnette géante, ainsi que « Goddbye Blue Sky » avec les images d' avions vrombissants qui éjectent des bombes. Le mur qui se construit sert d'écran à des images de guerre, de regards intenses qui fixent la salle ou de visages qui se décomposent.

Tristesse et Désolation
Le concert est un manifeste anti-guerre, mais il ne cesse d'employer les images des guerres d'Irak et d'Afghanistan. Roger Waters fait le lien entre ces dernières et le décès de son père qui mourut lors de combats pendant la deuxième guerre mondiale, image qui l'a marqué à tout jamais. Le visage du chanteur apparaît derrière le mur dans une dernière chanson avant que l'ultime brique ne se pose et que l'entracte ne retentisse. Dans la deuxième partie du concert, le spectacle devient plus intimiste, il chante en solo devant ce mur où se déploient des images sombres, grises ou rouge-sang. A un moment donné, il s'approche du mur, l'effleure, celui-ci explose en myriade de couleurs, qui me rappellent toutes celles des paysages captées pendant le séjour.

Jaillissement de couleurs sur scène

Le célèbre cochon cochon noir des concerts de Pink Floyd, maculée de symboles capitalistes et communistes, plane dans la salle. Les images du film par séquences complètes défilent sur le mur. J'avais vu le film d'Alan Parker, je ne l'avais pas tant apprécié que cela, mais les mêmes images dans le cadre du spectacle projetées sur un mur géant prenaient une toute autre dimension.

La scène très connue des marteaux marcheurs

A la fin, le mur s'effondre sous une constellation de confettis et d'applaudissements …

De la Nouvelle Zélande vers la Nouvelle Calédonie

Le lendemain matin, avant le départ dans l'après-midi, pendant que Katrine faisait ses emplettes, j'ai visité brièvement Auckland. L'hôtel était situé en face des docks, le centre historique était peuplé de petits gratte-ciels, l'hôtel lui même en était un puisqu'il comportait plus d'une quarantaine d'étages. La chambre offrait une vue panoramique plongeante et superbe sur la baie.

Quelques heures plus tard, l'avion d'Air Calin, immense cygne majestueux, a décollé, nous transportant d'une terre nouvelle à une autre, notre esprit désormais illuminé par le souvenir des couleurs des paysages, de la féerie du concert et des heures passées à célébrer l'amitié.

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