dimanche 27 novembre 2011

Visite de l'enfant perdu du Pacifique

Petite visite de Futuna avec les amis de la salsa. Pour aller sur cette île éloignée de 230 kms de Wallis, nous avons emprunté un petit avion Twin Otter d'une capacité maximale de 20 personnes. Détail amusant, vous êtes pesés au moment de l'enregistrement des bagages, et la répartition dans l'avion se doit d'équilibrer le poids des voyageurs sur l'ensemble de l'appareil. Je suis passé sur la balance, je pesais 68 kilos avec mes habits (Hé non, l'hôtesse d'accueil ne vous demande pas de vous déshabiller) et mon petit sac à dos, j'étais fin prêt pour le combat super-welters qui se profilait ... Le voyage en avion s'est révélé être plaisant. Equipé de deux moteurs à hélice sur les ailes, l'avion survole le Pacifique à une hauteur inhabituelle, bien plus faible qu'avec les avions de ligne habituels. La couche nuageuse est le plus souvent située au dessus de l'altitude de vol, et l'Océan s'offre à vous, démesuré, gigantesque, reflétant parfois les quelques minces nuages qui nous survolaient. Les trois pales des hélices l'avion tournaient à une vitesse vertigineuse, et quelques millions de battements frénétiques de pales plus tard, nous voilà arrivés sur l'île de Futuna, sous une pluie battante.

Heureusement, la pluie au cours du séjour de quatre jours allait se dissiper et faire place à des éclaircies de plus en plus belles et persistantes. Nous avons été accueillis dans les différents foyers tout au long du chemin. Je me suis fait la réflexion que l'île de Futuna était l'endroit idéal pour une personne qui n'a pas le sens de l'orientation comme moi. Quasiment une seule route circulaire qui fait le tour de l'île en longeant la côte, avec les maisons qui s'échelonnent le long de ce chemin. J'ai réussi enfin l'exploit de ne pas me perdre, tout vient à point pour qui sait être patient ;-) 

Première ballade le lendemain sur l'île d'Alofi, qui se dresse à deux kilomètres du sud ouest de l'île de Futuna. Ces deux îles forment l'archipel des îles Horn. Alofi est inhabitée, au contraire de Futuna. J'ai fait le choix de faire une petite marche avec six autres camarades, tandis que la grande majorité du groupe est restée sur le rivage pour se baigner. Le sentier, étroit mais bien tracé, traverse de part en part l'île pour aboutir à la pointe est. La promenade a duré deux heures, à un rythme de marche soutenue, avec un relief accidenté au début et à la fin.  Sur le chemin, nous avons croisé quelques Futuniens qui venaient cultiver les champs de taros ou de manioc. J'ai calculé que certains faisaient un trajet de près de trois heures par jour pour cultiver ces petits lopins de terre. Après la descente de quelques marches, nous avons abouti à une plage sur laquelle se dressait un grand falé, où nous nous sommes abrités du soleil pour pouvoir manger. Nous sommes allés ensuite au site de la grotte de la Vierge, à gauche de la plage. Après un sentier très escarpé, apparition d'une vaste cavité, peu profonde toutefois, où la pierre semble suspendue comme des stalactites. Dans un petit espace, sans doute creusé par les Futuniens, s'élève une statue de la Vierge, très vénérée à Futuna. Une dizaine de Futuniennes se trouvait dans la grotte, à faire une petite sieste en plein midi. Nous avons parlé avec deux d'entre elles qui étaient éveillées. L'eau ruisselle de la roche, puis elle est collectée dans un petit bassin. Cette eau est considérée comme miraculeuse à Wallis et à Futuna. Toutefois, en raison de la sécheresse qui avait sévi sur l'île, le bassin de rétention était quasiment vide.


Grotte de la Vierge

De l'autre côté de la plage, deuxième attraction de l'île d'Alofi. A quelques mètres de l'endroit où les immenses vagues du Pacifique viennent se briser se trouve une petite retenue d'eau très limpide, "la piscine", dans laquelle il est possible de se baigner. L'eau était à une température idéale, mais le rendez-vous programmé avec le bateau qui devait nous ramener à Futuna se rapprochait et nous avons dû repartir. Sur le chemin du retour, "Speedy Pascal", grand marcheur et coureur devant l'Eternel, a enclenché la vitesse supérieure, je me suis mis dans son sillage et nous sommes arrivés en une heure trente au lieu de départ.
Seul inconvénient au cours de la randonnée, les moustiques, d'une espèce particulièrement vorace à Alofi. Les moustiques de l'hémisphère sud partagent un point commun avec nous, ils raffolent des mets exotiques. Et les métropolitains sont une proie particulièrement tendre et appréciée. Dès que nous avons abordé l'île, l'un des moustiques s'est écrié : "Miam Miam, papalanis à l'horizon ..." La rumeur s'est propagé sur tout l'essaim et Bzz Bzz, ils ont commencé à fondre sur nous en escadrille, chacun d'entre eux entamant une descente en piqué pour se ficher dans nos chairs. "Banzaï" "Banzaï", ils s'enfonçaient dans la peau pour commencer leur festin. Sur Alofi, la protection anti-moustique durait à peine une heure, et les voilà qui vrombissaient à nouveau autour de nous. Nous avons dû nous asperger plusieurs  fois au cours de la journée pour échapper à leurs attaques.

Le lendemain, journée sportive le matin avec un petit jogging en compagnie de Vincent et Sylvain, puis intermède farniente. En fin d'après midi, je suis allé avec Alain et Nadine observer le four cannibale de Futuna. Les Futuniens, ainsi que les Wallisiens et une part importante des peuples d'Océanie, ont été des peuples anthropophages. Que reste-t-il de ce passé ? Un petit cercle de pierres blanchies au milieu de la verdure.  Petit passage extrait d'un article du journal "Le Point" qui explique ce système du cannibalisme : "A Wallis et Futuna, le cannibalisme repose avant tout sur le système social qui sépare les hommes en deux catégories : ceux qui sont « habités » par les dieux, les « nobles », et ceux qui ne le sont pas. Un système toléré parce qu'il est souple : un individu peut changer de statut dans un sens comme dans l'autre. Pour nourrir ces esprits intérieurs, lors des cérémonies de récoltes ou d'intronisations des chefs, il faut manger de la chair humaine. Les victimes sont en général soit des prisonniers de guerre, soit des voisins imprudents, c'est-à-dire des « autres ». Mais on peut aussi manger ses morts ou choisir parmi les non-nobles de son village. Pour éviter les abus, les chefs interdisent momentanément la chasse à l'homme, comme ils le font pour la cueillette de fruits ou de tubercules en cas de pénurie. Les victimes potentielles ont un recours : manger avant d'être mangées !"
Comme l'heure du repas s'approchait et que nous avions faim, nous sommes promptement rentrés nous restaurer ...

Four cannibale de Futuna

Vous connaissez sans doute la plaisanterie des cinq juifs qui révolutionnèrent le monde, sinon, petit rappel ... Cinq juifs ont successivement marqué l'histoire de l'humanité en décrétant la règle universelle qui régit le monde : D'abord Moise arriva  " tout est loi " ; Puis Jésus affirma " tout est amour " ; Puis Marx observa  " tout est argent " ; Puis Freud proclama " tout est sexe " ; Et enfin Einstein ajouta " tout est relatif..."
Notre visite à Futuna nous a permis de voir à quel point tout est relatif. La première fois que vous abordez Wallis, vous avez le sentiment d'une île d'une grande pauvreté, sur laquelle il est difficile de trouver quelques biens de consommation courante dans les magasins. Nous avons donc coutume de nous plaindre, de râler, de pester, en bons Français que nous sommes. Arrivés sur l'île de Futuna, vous comprenez que le territoire le plus pauvre de la France n'est pas Wallis mais la contrée de Futuna, et que nous sommes des privilégiés au regard des Futuniens. Il existe une très grande différence de développement entre Wallis et Futuna, au désavantage de cette dernière. L'asphalte de la route principale est très abîmée, craquelée et truffée d'ornières. Le ravitaillement pose toujours problème ici et pendant plusieurs mois, les habitants peuvent ne pas disposer de biens essentiels tels que les bouteilles de gaz. Louis Antoine de Bougainville en abordant l'île en 1768 l'avait surnommée "L'enfant perdu du  Pacifique". Futuna, terre française la plus éloignée de Paris, reste toujours égaré de l'autre côté du Pacifique. 

Dernière excursion avant de partir, je suis allé avec Nadine et Alain, avec qui j'ai habité quelques jours, visiter le versant nord-ouest de l'île. Dans le village de Poi s'élève au pied de la montagne verdoyante une cathédrale, qui célèbre la mémoire de Saint Pierre Chanel. Deux pins colonnaires d'un aspect semblable, comme deux frères, se dressent devant la façade blanche de l'édifice religieux.

Cathédrale de Poï

L'intérieur de l'église était très abîmé. Quelques câbles électriques arrachés reposaient dans un coin.  L'île de Futuna a été touché par le cyclone Thomas, qui fut dévastateur, en mars 2010 et les marques de son passage étaient encore très nombreuses de ce côté de l'île. Près de l'entrée se dressait la plus étrange sculpture en bois qui soit. Il s'agissait d'un oiseau au bec très long, attifé de collier et de guirlandes très colorés, dont la taille équivalait à celle d'un humain. Il avait les bras sectionnés et à force de le scruter, nous nous sommes rendus compte qu'il s'agissait d'un bénitier, un grand trou émergeait de sa poitrine dans laquelle on distinguait de l'eau bénite. Etait-ce une représentation du Saint-Esprit, souvent incarné sous la forme d'un oiseau ?

 Bénitier original

La cathédrale de Poi est un lieu de pèlerinage en raison des reliques de Saint Pierre Chanel. Celles-ci se trouvent dans une petite chapelle située à quelques dizaines de mètres de la cathédrale. Une jeune Futunienne nous a invité à visiter celle-ci. A sa mort, le missionnaire avait été enterré à Futuna, puis ses reliques avaient été dispersées. Les restes du corps avaient été envoyés à Lyon tandis que les reliques du crâne se trouvaient à Rome. Désormais, ces deux reliquaires reposent à Futuna  à l'intérieur d'une commode dans de grands coffres dorés. Sur les murs deux grandes fresques, dans un style très naïf, évoquent le martyr du saint.

Le coup de machette fatal

Sortis de la chapelle, nous sommes allés en direction du site des Pyramides, un bloc de deux rochers qui ont une structure pyramidale, au pied desquels s'offre à la vue un superbe paysage. Sur le chemin, la route goudronnée avait été arrachée par le cyclone de son aire et quelques lambeaux déchiquetés de bitume reposaient ça et là. Le panorama qui s'offrait à la vue à la pointe des Pyramides était magnifique, vous plongez le regard depuis l'ultime Frontière de la France vers l'océan sans fin. La marée était montante, les rouleaux du Pacifique venaient se précipiter sur les rochers, se fracasser contre eux et se disperser en écume poudroyante . Parfois, l'eau franchissait la barrière des roches, s'engouffrait dans les brèches, montait lentement dans un réceptacle provisoire en prenant une teinte blanchâtre dans laquelle on discernait une vague nuance de bleu. Combat éternel de l'Océan et de la roche. La vie est un combat, disait mère Thérésa : Je le sais, je le sais, dit l'eau, je vaincrai ; je le sais, je le sais, dit la roche, je saurai me défendre ... Nous avons observé un petit plan d'eau dans lequel étaient prisonniers de minuscules poissons, abandonnés là par une précédente marée. Ils frétillaient vivement dans l'eau, semblant attendre le miracle du retour de l'Océan pour repartir vers le grand large.

Pyramides de Futuna

Je me suis retourné et j'ai regardé une dernière fois le site avant de repartir. Du haut de ces Pyramides, plusieurs millions d'années nous contemplaient.

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