Jeudi 28 avril était un jour chômé sur l'ile de Wallis, pour la célébration de Saint Pierre Chanel, que je ne connaissais pas avant de venir ici. C'est le premier martyr d'Océanie (1803 - 1841). D'après les informations glanées sur Internet, il aborde en 1837 l'ile de Futuna, proche de Wallis (à l'échelle du Pacifique ...) et entreprend avec deux compagnons un travail d'évangélisation de l'ile. Au début, les relations sont cordiales avec le roi, il en profite pour apprendre la langue futunienne avec pour objectif de prêcher l'Evangile. Son travail d'évangélisation commence dans une société où règne alors l'anthropophagie, comme dans nombre d'iles d'Océanie, y compris Wallis. Il se rend indispensable en soignant les blessés, en aidant ses semblables les plus pauvres et en prônant la paix chez les indigènes qui se livraient souvent la guerre. Il y gagne un surnom "L'homme à l'excellent coeur". Confronté à un nombre grandissant de conversions, le roi commence à livrer une guerre tout d'abord sournoise, en coupant les vivres et en volant les récoltes de Saint-Pierre Chanel et des missionnaires, qui en furent réduits à manger leur chien. Les menaces de mort grandissent après le succès manifeste de la religion avec la conversion du propre fils du roi. Celui-ci est particulièrement choqué que son enfant consomme de l'igname, alors que cet aliment ne peut être consommé selon la coutume ancestrale avant la naissance de son premier enfant. Le roi sent son pouvoir ancestral vaciller. Les menaces se précisent définitivement le 28 avril 1841, jour de l'exécution de Saint-Pierre Chanel par les troupes du roi, menés par son gendre. Il est surpris seul dans la maison des missionnaires et il est assommé à coup de bâton et de massue, puis achevé par un coup de machette.
Je ne suis pas croyant, mais je suis intéressé par toutes les formes de spiritualité. Ce que je trouve passionnant dans cette histoire, c'est qu'il est possible d'y lire une répétition de l'histoire du Christ. Un homme meurt injustement ; une victoire posthume se dessine. En effet, désormais, les iles océaniques sont fortement christianisées, et l'influence de l'église est manifeste sur l'ile de Wallis. Son pouvoir est très grand sur l'ile, à côté des deux autres pouvoirs que sont la république et les autorités coutumières. Les Wallisiens sont très pieux, et les églises ici ne résonnent pas dans le vide, bien qu'il y ait trois grandes églises sur le territoire et une cathédrale, pour moins de dix mille habitants ... Les wallisiens se lèvent parfois à cinq heures pour assister à la messe. Je suis étonné par cette très grande influence à double titre : d'une part, la place du religieux est en déclin en métropole, Wallis constitue une exception à cette règle ; d'autre part, au sein des églises chrétiennes, ce sont les églises évangéliques qui ont le vent en poupe en métropole, alors qu'ici elles ne sont que très faiblement représentées.
Si la religion chrétienne s'est développée dans ces contrées, c'est tout simplement qu'elle recèle en elle de la justice et de la générosité. Je suis laïque et non croyant, mais je suis convaincu de l'influence chrétienne sur la lente édification de principes tels que ceux des droits de l'homme ou de la devise française "Liberté, Égalité, Fraternité". La morale laique peut parfaitement coexister avec les religions. Et ici comme ailleurs, à Venise, Amsterdam ou Vienne, le Christ en prenant pied sur l'ile se métamorphose, s'adapte aux couleurs locales dans les représentations qui en sont faites. Sur l'ile , sa couleur de peau change, il est revêtu des plus beaux atours et ceint de colliers de fleurs, comme dans le Christ au carrefour que je vous ai déjà montré dans l'article "Ballade en scooter sur l'ile" , ou celui-ci sur un petit lieu de prière improvisé en plein ciel à côté du seul rond-point de l'ile :
Christ dans les cocotiers
Ce qui étrange pour un oeil métropolitain qui regarde toutes ces représentations du Christ à Wallis, c'est la présence de ce tissu très long qui le recouvre depuis les hanches jusqu'aux pieds, alors qu'il n'est souvent vêtu que d'un pagne dans les représentations occidentales. Cette curiosité est tout simplement liée à la lutte de l'église chrétienne contre la nudité arborée par les peuples indigènes en Océanie au moment de l'évangélisation. Comment lutter contre le port du pagne alors que le Christ lui-même est revêtu d'un simple pagne appelé "perizonium" au moment de sa crucifixion ? Les religieux se sont empressés de rhabiller le Christ dans ces contrées...
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